Laboratoire théâtral
Marie Victorin soutenait que nul ne pouvait se réclamer d’un pays s’il ne l’avait pas nommé, dit, parcouru, appris, découvert, aimé. — Serge Bouchard
Ô LANDING est un projet de pièce de théâtre qui veut provoquer la conversation dès le Jour 1 de son écriture. Il soulève ces questions : quel est le vase communicant pouvant relier l’écriture poétique et dramaturgique ? Quelle est l’influence du territoire sur l’écriture ? Peut-on parler de géodramaturgie ? Peut-on, de plus, démocratiser notre laboratoire d’écriture dramaturgique à partir d’une diffusion Web ?
Alexandre Castonguay
Nicolas Lauzon
Mathieu Gagnon
Joséane Toulouse
Historique et description du projet
Le projet d’écriture Ô LANDING est né en mai 2015 lorsqu’Alexandre Castonguay est resté contemplatif devant l’œuvre intitulée Transfiguration, de l’artiste Manon Pelletier. Pensée à partir de tableaux orphelins ou, plus explicitement, en récupérant certaines toiles qui n’ont jamais trouvé place lors d’expositions, cette œuvre trône sur la façade du Petit Théâtre. C’est alors que s’est produit le déclic : pourquoi ne s’en servirait-il pas comme point de départ ?
La jeune région de l’Abitibi-Témiscamingue, bien qu’artistiquement foisonnante, se cherche encore d’un point de vue dramaturgique : elle peut compter les dramaturges sur une main seulement. Plutôt que de concevoir cette réalité comme une tare, Alexandre Castonguay n’en rougit pas. Il l’aborde comme une terre vierge aux miles possibilités. Le dramaturge a entrepris de mêler la démarche de Mme Pelletier à celle de M. Lauzon pour lui faire ressortir ses poèmes refusés. Cela a mené à un dialogue mettant en évidence les affinités, à première vue voilées, de leurs œuvres respectives. Quoique prémédité, un heureux phénomène s’est alors produit : bien qu’ils s’exprimaient dans des langages différents, l’un par l’image, l’autre par les mots, les dialectes de Pelletier et Lauzon partageaient des origines communes. Un important travail de traduction s’imposait alors.
Après vingt rencontres étalées sur un an, Alexandre Castonguay et Nicolas Lauzon ont vu des personnages et un récit affleuré. En effet, les contours imprécis de fond et de forme ont progressivement perdu leur inintelligibilité. L’alchimie a opéré lorsque devant Castonguay est apparu le reflet concret de ses intuitions matérialisées en une fable poético-dramaturgique. Œuvres orphelines, elles ne sont plus. Maintenant, elles ont trouvé, avec Ô LANDING, un projet d’adoption.
Dialogue avec le public – L’art dans l’espace urbain l’hiver
En attendant que les quais sur lesquels Ô LANDING sera lu et joué redeviennent accessibles, les auteurs s’installeront en mars 2018 en résidence d’écriture au deuxième camp du sentier de ski de fond entretenu par l’organisme Les amis du Skiwanis.
Castonguay retrouve en ces lieux l’équivalent sylvestre d’un quai municipal en tant qu’endroit public propice à la communion et à la contemplation. Dans ce lieu retiré, mais accessible, il se place dans une situation propice à la concentration et à l’écriture autant qu’à la concertation et au partage d’idées.
Le développeur Web interactif Mathieu Gagnon vous convie, via ce site Web, à rejoindre Alexandre Castonguay et Nicolas Lauzon dans ce lieu au cœur de la ville de Rouyn-Noranda. Les gens ont l’habitude d’y aller pour se retirer de l’urbanité sans devoir prendre le temps de s’enfoncer complètement dans la nature. En mars, enfoncez-vous avec les auteurs dans leur processus créatif. Le camp est un point de ralliement chaleureux avec son poêle qui fournit autant la chaleur que la beauté de la flamme. Venez partager l’exploration conceptuelle et une boisson chaude du Gisement avec les auteurs !
Dialogue avec le public – L’art dans l’espace urbain l’été
Lorsque l’été offrira de nouveau ses quais aux citoyens, Alexandre Castonguay et Nicolas Lauzon vous y convieront. Pourquoi ? Pour faire des quais municipaux (landing) un lieu de rencontre. Les quais municipaux, comme l’art public, sont des infrastructures que les citoyens, avec leurs impôts, s’offrent et partagent. Cette structure rappelle aussi étrangement la scène de théâtre.
Dans la région des 100 000 lacs, les quais sont encastrés dans nos paysages et notre imaginaire collectif. Ils portent une charge symbolique non négligeable : lieu d’arrivée, de départ, des premiers baisers, à la fois cul-de-sac et tremplin, aussi loges privilégiées pour admirer les perséides, quel Témiscabitibien n’a pas son souvenir de quai ?
Par des rendez-vous conviviaux, Alexandre Castonguay veut questionner les enjeux abordés dans le récit avec les citoyens de la MRC de Rouyn-Noranda. Les citoyens et citoyennes sont d’insoupçonnables agents créatifs, de formidables critiques et ils ont une sensibilité portant l’ADN du territoire. Alexandre Castonguay fait le pari qu’en travaillant avec eux sur les quais de la ville, il pourra s’approcher d’une dramaturgie authentique façonnée par le territoire et ses occupants.
Alexandre Castonguay se croit-il alchimiste lorsqu’il prétend pouvoir changer le territoire en texte ? Y a-t-il une dramaturgie territoriale ? Existe-t-il un quelconque schéma actanciel et narratif caché ? Peut-on le lire, ce territoire, comme certaines personnes lisent les lignes de la main ? Si oui, ce réseau de sens est-il transférable à la fable que les auteurs croient entrevoir ?
Vous serez invités à réfléchir à ces questions avec les auteurs cet été. Le Gisement désaltérera les badauds de barbotines sucrées sur les différents quais.
Impact sur la communauté
Multiplier les pôles de création : cette mission provient de la nécessité de créer un mouvement d’inclusion de la communauté. La rumeur, partant d’un des pôles, peut se propager à travers les entreprises, les usagers des sentiers du Kiwanis, des quais municipaux, etc.
Notre volonté est d’entretenir la relation entre les citoyens et l’œuvre en construction par le biais de ce site Internet. Par ailleurs, si on invite formellement les gens à des rendez-vous, on espère aussi des rencontres fortuites avec les baladeurs et plaisanciers qui n’étaient pas, de prime abord, venus échanger avec nous.
Évidemment, nous croyons en la nécessité de démocratiser le processus créatif, mais moins pour offrir aux gens la chance de participer que parce qu’ils nous fournissent du matériel inestimable : lieux communs, régionalismes, surnoms, etc. Le territoire nommé par ses habitants, voilà une matière riche pour les auteurs ! Suivant la piste « géodramaturgique », notre démarche de recherche pour Ô LANDING consiste à observer in situ des réalités que nous volons traduire en fiction. C’est ce que permet l’échange avec les citoyens.
Les concepts paradoxaux d’ouverture et de fermeture sont les dénominateurs communs qui relient entre elles toutes les sphères de recherches qui éveillent nos curiosités. Avec cette œuvre, nous nous appliquerons à faire et défaire les cloisons sur ces dualités : nord-sud, homme-femme, vieux-jeunes, ville-village, terre-eau, réalisme-abstraction et ainsi de suite, sans oublier dramaturgie-poésie.
Finalement, Ô LANDING est empreint de l’ADN artistique d’Alexandre Castonguay. Vivant et travaillant à Rouyn-Noranda, sa pratique traque la géosensibilité de la population. Il tente de traduire de manière artistique la façon singulière des Témiscabitibiens de parler à l’universel. Castonguay traque le territoire et utilise ses champs lexicaux ouvriers et forestier. À première vue, ce vocabulaire semble dénué de poésie, car il est trop familier et associé à la douleur et aux échecs du passé. L’auteur lui redonne de la colonne. Un sentiment de fierté qui rappelle aux gens pourquoi ils se sont ici enracinés. Castonguay veut exalter cette appartenance qui donne aux gens d’ici la conviction qu’ils vivent dans un espace-temps hors du commun.
C’est pourquoi Ô LANDING, qui provient de cette démarche authentique et enracinée, doit résonner haut et fort, partant du bout du quai pour voyager au-dessus de l’eau des lacs et des rivières. Que la vibration de la voix puisse s’allier au vent pour faire frémir les milliers de feuilles. Que les gens qui ont participé un après-midi à réfléchir à leur quotidien avec les auteurs puissent entendre le fruit de leur récit prendre son envol.